26 Juillet 2016
En psychologie, il est coutumier de dire d'une personne souffrant d'obésité qu'elle "mange ses émotions". L'action de se nourrir est rassurante et plaisante, elle nous renvoie à notre enfance protégée et insouciante. Elle est aussi largement assimilée par la société à un moment de joie, de partage et même de célébration. En effet, il y a peu de choses que l'on ne fête pas autour d'un dîner ou d'un déjeuner (ou d'un brunch pour les frimeurs). Par conséquent, la nourriture est un refuge psychologique de premier choix pour contourner une émotion gênante. Cela peut aller du simple ennui à la dépression. Manger à l'excès, et particulièrement des graisses et des sucres, provoque une surstimulation des neurotransmetteurs responsables du plaisir et du sentiment d'ataraxie. Pratique pour un bien-être artificiel, clé en main !
La plupart des théories et recherches existantes sur le sujet semblent converger vers l'idée qu'il faut impérativement régler un problème sous-jacent pour constater une disparition des symptômes. J'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé d'approche franchement différente. Pourtant, quelque chose dans cette idée me dérange. S'il paraît évident qu'on maigrit tous avec notre mental, sommes nous pour autant contraints à résoudre des conflits remontant parfois à l'enfance pour lutter contre quelques kilos en trop ? À cette question, la psychologie répond oui. Je pense que non. Pas forcément.
Et heureusement ! Parce qu'une psychanalyse prend du temps. C'est un processus onéreux et dont on ne peut pas forcer ni presser les résultats. Être suivi par un bon spécialiste ne peut être qu'enrichissant, en revanche, je suis convaincu qu'il ne s'agit que d'une seule des multiples réponses possibles à l'obésité.
Le web et la presse spécialisée regorgent également de méthodes introspectives pour perdre du poids, comme le fait de se concentrer sur nos qualités, d'affronter notre reflet en exprimant à voix haute ce que nous aimons chez nous, et plein d'autres curiosités encore. Si ça fonctionne pour certains, tant mieux pour eux, mais c'est loin d'être une réponse universelle. Pardonnez mon scepticisme mais je suis pleinement conscient des choses que j'aime chez moi, sans pour autant parvenir à faire fi de mon poids. Certes, se focaliser sur le positif est toujours un soulagement, mais c'est aussi une façon de minimiser l'importance de notre objectif absolu. La chute est moins dure en cas d'échec parce qu'on peut se dire que ce n'est "pas si grave" puisqu'on "accepte" nos défauts et qu'on s'aime "comme ça", mais on renonce aussi à une force fondamentale, peut être même la plus puissante qui soit : l'envie de changer par dessus tout.
On n'a rien sans s'impliquer réellement. Cultiver l'amour de soi comme un rempart contre les complexes est aussi un refuge, il permet de dédramatiser notre condition et nous offre une solution alternative, dont l'exécution ne demande concrètement aucune organisation. Sauf que pour beaucoup d'entre nous, la perspective de porter nos kilos indéfiniment est inenvisageable. Alors que se passera t-il quand cette solution temporaire, usée par le temps, montrera les limites de son efficacité ? Disposerons-nous d'assez de temps et d'énergie pour entamer un nouveau pèlerinage vers une silhouette plus fine ?
Nous avons tous une sensibilité qui nous est propre, et nous ne choisirons pas tous les mêmes réponses, mais j'encourage toute personne soucieuse de son surpoids à décider sans attendre du chemin qu'elle souhaite emprunter. On ne sait que trop bien que ces choses prennent du temps.
La viande et la cloche :
Connaissez-vous l'histoire du chien de Pavlov ? Il ne s'agit pas vraiment d'une histoire, mais plutôt d'une expérience scientifique conduite par le docteur Ivan Pavlov il y a plus de cent ans. Chaque fois qu'il donnait de la viande à son chien, il sonnait une cloche. Au bout d'un certain temps, le seul son de la cloche, assimilé par le cerveau du chien à la nourriture, suffisait à le faire saliver. C'est ce qu'on appelle le "réflexe conditionnel". C'est exactement le même phénomène qui se produit chez nous quand nous associons inconsciemment le fait de nous nourrir à un quelconque mieux-être situationnel. Nous ressentons une angoisse passagère, un ennui ou autre sentiment négatif, et sans même y réfléchir nous commençons à grignoter.
Ce qui m'a interpelé dans cette expérience, c'est qu'à force d'entendre sonner la cloche sans recevoir de viande, le chien a cessé de saliver. Or, saliver n'est pas une action consciente, même si le chien est capable de comprendre la relation entre la cloche et la viande, il est clair que son organisme tout entier a assimilé une routine. Le réflexe conditionnel a été supprimé par le conditionnement, c'est-à-dire, la modification d'une habitude sur une durée suffisamment longue pour être enregistrée par le cerveau.
Pour autant, je ne pense pas que le chien se soit regardé dans le miroir en énumérant ses qualités préférées pour y parvenir. Pourquoi le conditionnement seul ne marcherait-il pas aussi sur nous ? Parce que nous sommes trop intelligents ? Je ne crois pas.
État des lieux de mon expérience :
Comme je n'ai aucune imagination en matière de nourriture, j'ai mangé exactement la même chose qu'hier. Fort heureusement, je me lasse difficilement des choses que j'aime. Cela compense un peu ma médiocrité en cuisine. Je ne ressens aucune frustration, je nage aisément sans m'arrêter ni subir la moindre crampe. D'ailleurs, je prends de plus en plus de plaisir pendant cette heure quotidienne de natation, j'en profite pour réfléchir et m'émanciper un peu de toute ma technologie. Je pense qu'en plus de dépoussiérer mes muscles, ça m'aère le cerveau. Ce n'est pas facile de se lever tous les matins à 7h, mais une fois dans l'eau, cela cesse instantanément d'être une corvée.
Allez, plus d'excuses maintenant. On se bouge !
P. Akalias