Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Je suis GROS

J7 - L'ennemi des bonnes résolutions

J7 - L'ennemi des bonnes résolutions

La vie est belle. Voilà un constat un peu niais. Mais si je vous dis ça, c'est qu'il m'a fallu un temps prodigieux pour parvenir à le penser.

Quand j'étais plus jeune, j'ai connu une période très heureuse, de mes 16 ans à mes 18 ans environ. J'étais légèrement en surpoids et déjà très complexé par corps, mais ce n'était pas si grave parce que je savais me faire apprécier et même plaire. J'avais beaucoup d'amis, j'étais surtout entouré de filles, j'aimais sortir, jouer de la guitare et faire la fête. Comme j'étais grand et que je m'habillais plutôt élégamment à grand renfort de chemises et en vestes, je mettais en valeur ma silhouette. Je n'aimais pas trop l'été parce que je ne pouvais pas couvrir autant mes formes, et je haïssais la plage pour des raisons évidentes, mais mes démons ne me dévoraient pas en permanence comme ils le font aujourd'hui.

Comme tout adolescent "moderne" biberonné à la pub et aux recettes miracles, il m'arrivait de commencer un sport en espérant des effets immédiats et radicaux, puis je laissais tomber parce que la paresse finissait invariablement par me gagner. Je me démotivais très facilement et ne cherchais que la facilité. À l'époque, perdre du poids était davantage un moyen de séduire les filles qui me plaisaient plutôt qu'une quête personnelle de mieux-être et de paix intérieure.

Les choses se sont corsées lorsqu'il m'a fallu me déshabiller devant une fille pour la première fois. J'ai alors découvert que mon complexe était bien plus profond que je ne l'avais imaginé. Je ne supportais pas ses mains sur mon torse et je faisais tout pour attirer son regard vers mon visage. Même dans la pénombre - puisque comme tous les jeunes, nous commencions par nous découvrir en braille - l'idée qu'elle puisse deviner ma silhouette me terrifiait. À l'époque, je n'ai pas réalisé que je venais du toucher du doigt, ce qui allait être pendant plus de dix années, la plus douloureuse épreuve de ma vie.

Je suis tombé éperdument amoureux de cette fille, et je me souviens avoir souhaité très fort que notre histoire dure jusqu'à la fin des temps. Je trouvais l'idée romantique et contrairement à mes quelques copains, je n'avais pas cette envie irrépressible de multiplier les conquêtes et les expériences sexuelles. Je voulais vivre une histoire dingue et unique, en cela je m'entendais mieux avec les filles puisque nous partagions cette envie. J'aimais plaire, oui, parce que c'était le signe providentiel que je pouvais être désirable malgré mon surpoids, mais le flirt me suffisait. Je me souviens avoir régulièrement suscité la plus totale incompréhension de mes homologues masculins.

Les choses ont commencé à se dégrader dès que j'ai pris mon indépendance. Essentiellement parce que les mauvaise habitudes alimentaires que j'ai prises durant mon enfance, couplées à une absence totale d'éducation culinaire ont marqué le début d'une prise de poids effarante. En quelques années, j'ai pris 30kg par négligence, sans même m'en rendre compte. Je venais de déménager loin de chez moi, et je me suis retrouvé tellement absorbé par cette nouvelle vie que j'en ai perdu tous mes repères. Je me souviendrai toute ma vie du jour où j'ai réalisé la gravité de la situation : j'ai revu un parent éloigné qui m'a dévisagé de la tête aux pieds et m'a dit en rigolant : "Bah, dis donc t'es bien nourri, toi !". Ce n'était pas méchant, mais ça m'a glacé.

Cette phrase résonne encore dans mon crâne, je savais que j'avais grossi, mais je ne m'étais pas pesé depuis des années. En mettant le pied sur la balance, j'ai cru défaillir. Trente kilos, alors que je n'étais déjà pas mince avant... J'ai commencé à me renfermer sur moi-même, j'ai brisé le contact avec cette ancienne vie que j'aimais tant, je ne voulais plus être vu par mes amis d'avant pour ne plus jamais sentir pareil regard peser sur moi. Plus je me regardais, plus je me sentais monstrueux, et rien n'y faisait. J'ai fait des régimes, perdu, repris, fait du sport, perdu à nouveau, puis repris, comme un cycle infernal inexorable.

C'est ainsi que j'ai fait connaissance avec mon addiction pour la nourriture. Je me suis rendu compte que toute la raison du monde ne suffirait pas à me faire arrêter de bouffer, j'étais malheureux et profondément seul. À cette période de ma vie, j'ai rencontré une jeune femme ravissante avec qui j'ai été en couple pendant plus de 3 ans. Elle s'est retrouvée confrontée à ma dépression : une noirceur insondable. Elle m'a aimé à s'en crever le cœur et a cédé à chacun de mes caprices. Un jour, à bout de forces, nous avons fini par nous quitter et je n'allais pas mieux, je l'ai alors blâmée pour toutes nos souffrances, comme un sale gosse ingrat. Évidemment, je me suis excusé des années après, nous en avons parlé et elle m'a répondu "Ce n'est pas grave.". Ça m'a fendu le cœur car je savais combien, ce qu'elle avait accepté de porter par amour, était lourd.

À mesure que les années s'égrenaient, plusieurs pans entiers de ma vie se sont écroulés. J'ai quitté mon travail sur un coup de tête, puis quand l'argent a commencé à manquer j'ai pris le premier emploi que j'ai trouvé. Cela n'avait rien à voir avec mon métier et j'ai passé quatre années de ma vie à jeter chaque journée à poubelle, comme si mon temps ne valait rien. Comme si je ne méritais pas d'être heureux.

J'avais cessé de prendre soin de moi, de me raser, de m'habiller correctement. Mes t-shirts étaient mités et mes cheveux longs en bataille. J'ai d'ailleurs reçu un tas de remarques de ma hiérarchie quant à mon apparence négligée, mais je m'en foutais. Ils pouvaient bien me virer, cela m'était tout à fait égal. Je ressemblais à un zombie.

Pour couronner le tout, je suis tombé sous le charme d'une femme qui était bien plus malheureuse que moi et ne m'aimait pas. Nous avons vécu ensemble pendant un an, je me suis occupé d'elle avec le peu d'énergie qu'il me restait. Curieusement, j'ai cru que le fait de prendre soin d'elle m'aiderait à faire abstraction de mes propres tourments. Sauf qu'elle ne me désirait pas, en un an nous avons fait l'amour deux fois. Je me suis senti plus laid et repoussant que jamais, et j'ai commencé à nourrir des idées noires.

À ce moment là, alors que frappais le fond de plein fouet, je suis revenu à moi. J'ai posé toutes mes vacances sur un coup de tête et j'ai réfléchi. J'étais malheureux, épuisé et surtout très mal dans ma peau, usé par cette impression terrible d'avoir "gâché ma vie" et "perdu des années". C'est alors que j'ai réalisé quelque chose : le simple fait de savoir que je n'irais pas travailler durant plusieurs semaines me soulageait énormément. Depuis le début de ma descente aux enfers, je n'avais plus ressenti le moindre soulagement.

J'ai donc décidé de changer de vie. Tout changer, tout de suite, brutalement, sans attendre : c'était presque un réflexe de survie. À peine rentré de vacances, j'ai exigé une rupture de mon CDI et ai fait part à ma compagne de mon envie de vivre seul.

Au début, tous ces changements me paraissaient excitants et raisonnables compte tenu de mon état, mais je me demandais comment j'allais trouver le courage de réparer tout ce que ma négligence avait brisé. Puis, je me suis rendu compte en posant la première pierre de cette nouvelle bâtisse spirituelle, qu'il existait une autre source d'énergie : le changement lui-même. Plus j’œuvrais à établir un nouveau cycle, plus je posais de nouvelles pierres, et plus j'avais de force. Patiemment, un pas après l'autre, j'ai trouvé un emploi qui me convient, retrouvé goût aux sorties, j'ai recommencé à m'habiller correctement, et à célébrer, avec les amis qui me restent, chacune de ces petites victoires contre la dépression. Mon état s'est amélioré à une vitesse inimaginable, j'ai même accepté une trêve dans le combat contre mon apparence disgracieuse, en acceptant de revoir mes amis du passé...

Et figurez-vous que ma petite amie n'est autre que mon grand amour de jeunesse ! Après près de 10 ans sans le moindre contact, je l'ai retrouvée en cessant de rejeter mon passé.

Une belle façon de boucler la boucle.

À présent, je m'attaque au noyau dur du problème : mon obésité. Car c'est ce dégoût croissant de moi-même qui a bien failli me faire tout perdre. Je sais aujourd'hui que l'on peut faire appel à des forces insoupçonnées alors même qu'on est au bord du gouffre et que tout espoir semble enseveli à jamais. Et pesez mes mots : je vais éradiquer chacun de ces maudits kilos, sans leur laisser la moindre chance de survie.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Parce que ce matin, j'ai eu beaucoup de mal à me motiver. J'étais fatigué, j'avais la flemme et j'étais à deux doigts de me rendormir... Puis je me suis mis un bon gros coup de pied au cul, parce que ça suffit les conneries, et j'ai repensé à mes années noires. Hors de question de laisser tomber, surtout à peine arrivé au 7ème jour.

Dans la vie, on affronte tous des choses extrêmement difficiles, la plus dure de toute étant la perte de nos proches. Il y a des choses immuables, des forces contre lesquelles on ne peut rien et d'autres contre lesquelles on peut lutter. Perdre du poids est une épreuve difficile, mais c'est faisable. Et tant qu'il est possible de se battre, il faut le faire jusqu'au bout. N'abandonnez jamais.

Jamais !

P. Akalias

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Je l'ai attendu ce texte ce soir .... Et whaou. Je ne sais même pas trouver les mots juste en fait. Je me reconnais beaucoup même si mon histoire est différente. <br /> Je t'en parlerai, mais en privé. Trop personnel. <br /> Douce nuit Paul
Répondre