J1 - Je suis GROS

23/08/2016 23:30

Je suis gros et comme de très nombreux gros, je déteste mon corps. J'ai sans doute été conditionné par les standards de beauté, de symétrie et par le culte du corps athlétique véhiculés par notre société, ~~et patati, patata~~, mais ça, à la limite : je m'en fous. Je ne cherche pas à m'accepter tel que je suis, je veux changer.

Je veux changer depuis déjà très longtemps, puisque tout gamin, j'allais à la piscine en t-shirt. Pas sur le bord hein, non, non ! Dans l'eau ! "Pour éviter les coups de Soleil" soit disant (#mégaLOL). J'avais l'air mille fois plus con comme ça que torse nu, mais c'était plus fort que moi. La haine de soi est une phobie, une véritable maladie. En plus, son évolution dans le temps est logarithmique, on ne cesse de développer et alimenter cette horreur de soi, cette peur d'être vu nu. Et même si la "sagesse" de l'âge fait tomber quelques inhibitions, sans doute un peu par nécessité, un immense complexe ne laisse jamais le moindre répit. Si je suis privé de mon t-shirt, je me sentirai atrocement mal jusqu'à ce que je le remette. Dans la vie de tous les jours c'est déjà pas simple, mais alors en couple c'est carrément une plaie ! Quand une femme aventure ses mains sur mon torse, je me contorsionne de façon à éviter qu'un bourrelet disgracieux ne se trouve sur la course de ses doigts, je rentre le ventre à m'en couper le souffle. Marre d'être mal dans ma peau !

Finalement quand j'y repense, j'ai bien plus souffert de mon propre regard sur moi-même que de celui des autres.

Aujourd'hui, j'ai 28 ans et je pèse 109,5 kg pour 1m89. J'ai donc un IMC de 30,7 ; en clair je suis en situation dite d'"obésité modérée". Comme tous les gros, j'ai déjà maintes fois essayé de changer. J'ai fait des régimes, commencé des sports, parfois même les deux simultanément pendant des durées surprenantes... Puis j'ai bouffé et je suis redevenu gros, à chaque fois. J'ai bouffé à m'en rendre malade parce qu'on ne m'a jamais appris à manger correctement ni en quantités raisonnables. J'aime mes parents de tout mon coeur mais si j'ai un reproche à leur faire, ce serait celui-là.

LE CHANGEMENT, C'EST (VRAIMENT) MAINTENANT

J'adore nager. C'est paradoxal car le chemin jalonné de regards qui sépare ma serviette de l'eau est toujours plus long qu'un Paris-Lune à vélo. Mais que voulez-vous ? Je ne suis fait que de paradoxes. J'ai donc décidé que cette fois-ci serait la bonne, et que j'allais changer de corps. J'ai pris cette décision hier,, en allant m'inscrire à la piscine. À partir de maintenant, j'irai nager tous les jours, c'est la première étape de ma transformation : la bonne résolution. J'ai donc nagé une heure tôt ce matin, avant le boulot et ça fait du bien.

Une fois dans l'eau, j'ai éprouvé à la fois l'énergie incroyable d'un nouveau départ, et... Une crampe. Oui, c'était dur ! Je pensais nager non-stop, mais mon gros ~~con de~~ corps a dit non. Heureusement, mes muscles se sont progressivement déridés et j'ai pu trouver un rythme de croisière. Je me suis fait doubler par des nonagénaires, c'était cool.

Dans quelques heures, à 7h30 du matin, j'y retourne. Je dois repenser intégralement toute mon hygiène de vie, dormir suffisamment, m'alimenter correctement et surtout ne jamais laisser tomber. Quoi qu'il arrive, je ne veux plus abandonner. Ceci doit marquer le début d'un nouveau chapitre de ma vie, celui où je deviendrai enfin un mec bien dans son corps.

La motivation, c'est un peu comme un train qui traverse la gare sans s'arrêter et dans lequel il faut sauter. Quand le quai reste désespérément vide, seuls les héros de la volonté décident de marcher le long des rails, et l'histoire a démontré que je n'en suis pas un. Il va donc falloir que je réussisse à sauter dans cette saloperie de train !

P. Akalias